A quoi ont droit les hommes politiques à la retraite
18/10/2010 à 15h18 – mis à jour le 18/10/2010 à 15h34
Certains élus ont droit à des privilèges criants.
Députés, sénateurs, chef de l’Etat, etc. : tour d’horizon des pensions des politiques.
1. Le statut très spécial des députés
C’est désormais à partir de 60 ans, et non plus 55, qu’ils peuvent liquider leurs droits. Mais ils conservent un statut très avantageux.
Combien ? La moyenne de leur retraite, proportionnelle au nombre d’années passées sur les bancs de l’hémicycle, est de 2700 euros par mois, indique l’Assemblée [1].
Peu de députés restent à l’Assemblée une carrière complète, soit 41 années de cotisation en 2012 (23,5 ans de mandat seulement dans les faits car les cotisations des députés sont majorées). Selon les calculs [2] de l’association Sauvegarde retraites [3], qui milite pour une refonte du système de retraite, un député touche environ 1550 euros pour 1 mandat, 3100 euros pour 2 mandats, 4650 euros pour 3. Pension maximum : environ 6200 euros…
Forte rentabilité
« Pour 1 euro cotisé en activité, un député récupèrera en moyenne 6,10 euros à la retraite s’il liquide ses droits à 60 ans », déplore Pierre-Edouard Du Cray, directeur des études de l’association. « A titre de comparaison, un fonctionnaire récupère en moyenne entre 1,78 et 2,40 euros, un salarié du régime général entre 0,87 et 1,51 euro. »
Autre avantage : une pension de réversion très intéressante. Les 2/3 de la pension sont versés à la veuve quand l’ancien élu meurt, sans condition de ressources, selon Sauvegarde retraites. La réversion n’est par exemple que de 50% pour les fonctionnaires.
« Notez aussi que leur pension est en outre connue à l’avance et 100% garantie », ajoute Pierre-Edouard Du Cray.
Qui paie ? Sauvegarde retraites dénonce un régime déséquilibré : « 88% du financement vient du contribuable, les cotisations des députés ne contribuent qu’à hauteur de 12% ».
Les députés européens élus en juin 2009 pourront quant à eux toucher leur pension à partir de 63 ans. Montant [4] : 3,5% de leur indemnité par année de mandat, dans la limite de 70%. (L’indemnité est de 7665 euros.)
Cependant, dans une déclaration du mercredi 14 avril 2010, Eric Woerth a annoncé que le régime de retraite privilégié des députés et sénateurs sera aussi réformé. « On ne peut pas demander un effort aux Français sans demander aussi un effort aux parlementaires, ils en sont d’ailleurs bien d’accord » a précisé le ministre du travail.
2. Les avantages des sénateurs
Le régime de retraite des sénateurs [5] est proche de celui des députés. L’âge d’ouverture des droits est également fixé à 60 ans.
Combien ? La pension mensuelle moyenne d’un sénateur est de 4442 euros, selon le Sénat.
Selon les calculs de l’association Sauvegarde retraites [6], un sénateur avec un mandat de 6 ans touchera à la retraite environ 1930 euros par mois, 3860 euros pour 12 ans. Maximum : 6440 euros.
La rentabilité. Pour 1 euro cotisé en activité, un sénateur à la retraite touche en moyenne 7,40 euros s’il liquide ses droits à 60 ans, indique Sauvegarde retraites. Les sénateurs prennent toutefois leur retraite en moyenne à 67,5 ans : à cet âge, pour 1 euro cotisé, un sénateur récupère en moyenne 4,90 euros.
Qui paie ? Différence majeure avec le régime des députés : celui des sénateurs est équilibré et ne fait pas appel au contribuable.
3. Maires, conseillers généraux, régionaux… : les élus locaux moins favorisés
En matière de retraite obligatoire, les élus locaux sont bien moins avantagés que les parlementaires.
D’une part parce que leurs retraites sont largement calculées selon les règles communes. Si l’élu n’a pas d’activité professionnelle à côté de son mandat, il est affilié au régime général pour sa retraite de base, la Cnav. Si l’élu a conservé un travail, il continue à cotiser pour sa retraite professionnelle.
D’autre part parce que la retraite complémentaire obligatoire des élus locaux, l’Ircantec [7], ne représente souvent qu’un faible montant. « L’allocation moyenne d’un élu local est de 613 euros par an », indique l’Ircantec.
NB : Les maires qui ne touchent pas d’indemnités n’ont pas de retraite au titre de leur mandat.
Rente facultative. L’intérêt de la retraite des élus locaux, c’est surtout le droit de cotiser pour une retraite facultative, qui pourra être touchée en rente à partir de 55 ans. Ce n’est toutefois possible que pour ceux qui gardent leur travail pendant leur mandat.
Ces élus peuvent choisir entre deux fonds et cotiser 4, 6 ou 8% de leur indemnité brute. Deux avantages : la collectivité doit cotiser à son tour 4, 6 ou 8% pour la retraite de l’élu et la rente sera en partie défiscalisée.
4. La pension fixe du chef de l’Etat
63 000 euros par an. Les anciens présidents de la République ont droit à une « dotation » fixe, qui ne dépend pas du nombre de mandats. Cette somme correspond au « traitement indiciaire brut d’un conseiller d’Etat en service ordinaire », dit une loi d’avril 1955 [8], soit 5250 euros par mois, indique Yvan Stefanovitch [9], journaliste et auteur de »La Caste des 500 » (JC Lattès, janvier 2010), un livre qui dénonce les privilèges des hommes politiques.
Réversion : Quand un ancien président meurt, son épouse touche 50% de sa pension, sans condition de ressource.
5. Pas de retraite de ministre…
Les anciens ministres, secrétaires d’Etat et chefs de gouvernement n’ont en revanche pas droit à une retraite à ce titre spécifique.
Ils continuent cependant à percevoir leur salaire de ministre (environ 13 000 euros brut pour un ministre ou un secrétaire d’Etat) pendant six mois après avoir quitté le gouvernement s’ils ne trouvent pas de travail. Ils sont rares dans ce cas, précise Yvan Stefanovitch.
6. Le cumul des pensions
Un élu cumule souvent plusieurs mandats électifs, successivement ou simultanément (exemple : un député-maire). Le montant total des pensions additionnées n’est pas plafonné.
Ainsi, « 85% des députés et 81% des sénateurs » ont aussi un mandat local et cotisent pour plusieurs régimes spéciaux de retraite, indique Yvan Stefanovitch. Il estime par exemple à « 11 000 euros par mois » la pension de Michel Charasse, « qui cumule retraites de sénateur, haut fonctionnaire, maire, conseiller général et régional ».
« Et sa retraite ne l’empêche pas de siéger au Conseil constitutionnel et de toucher en plus 12 000 euros d’indemnités à ce titre », précise le journaliste.
Par ailleurs, certains ministres en fonction aujourd’hui touchent en parallèle leur salaire de ministre et une pension de retraite pour leurs fonctions parlementaires passées. Mais début juin 2010, Christine Boutin, qui collabore avec le ministère du Travail, crée la polémique en cumulant une mission grassement payée à sa retraite de parlementaire.
Dès le 15 juin 2010, François Fillon, premier Ministre, annonce qu’il va exiger de ses ministres qu’ils renoncent au cumul de leur salaire ministériel et de leur éventuelle pension de retraite parlementaire. Cette règle serait valable pendant toute la durée de leur fonction au ministère.
Actuellement, cette mesure devrait concerner 5 ministres en fonction : Roselyne Bachelot, Michèle Alliot-Marie, Patrick Devedjian, Jean-Marie Bockel et Henri de Raincourt.
7. Des avantages en nature à vie
Outre leur pension, certains continuent à bénéficier, après leurs fonctions, d’avantages en nature. « Difficile toutefois de le savoir précisément, c’est peu transparent, ce n’est pas écrit dans la loi« , regrette Yvan Stefanovitch.
Les deux anciens présidents. C’est une lettre de 1985, signée par le Premier ministre Laurent Fabius et adressée à l’ex-président Valéry Giscard d’Estaing, qui fixe les avantages en nature des chefs de l’Etat après l’Elysée. « Ils ont droit à 13 fonctionnaires (gardes du corps, chauffeurs, cuisiniers, etc.), une voiture et un appartement ou un bureau », détaille Yvan Stefanovitch, ajoutant que ni VGE ni Jacques Chirac n’ont accepté ce dernier privilège.
Les 10 anciens Premiers ministres ont droit, quant à eux, à vie, à une voiture, une secrétaire et un chauffeur-garde du corps. « Ce n’est pas une loi, mais une tradition qui supporte deux exceptions : Jean-Pierre Raffarin a deux voitures et Laurent Fabius deux secrétaires », rapporte le journaliste.
Les règles sont plus floues encore pour les anciens ministres. « C’est souvent à la tête du client. Des raisons de sécurité sont invoquées pour que les ex-ministres de l’Intérieur aient une voiture avec chauffeur-garde du corps à vie. D’autres, comme les gardes des Sceaux, la gardent souvent 6 mois. »
Les parlementaires
Enfin, selon un document que s’est procuré Rue89.com, les ex-députés et sénateurs peuvent par exemple continuer à prendre le train gratuitement en première classe.
8. Les meilleures retraites politiques
Qui sont les retraités politiques les mieux lotis ? Deux anciens chefs d’Etat, « Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing« , répond Pierre-Edouard du Cray, de l’association Sauvegarde Retraites. « Le premier touche environ 31 000 euros, le second 30 000 euros. »
Explication : Ils peuvent cumuler plusieurs pensions – haut fonctionnaire, chef de l’Etat, et autres mandats électifs (maire, député, conseiller général et municipal par exemple pour Jacques Chirac). S’ajoute au montant de leur pension une indemnité de 12 000 euros du Conseil constitutionnel, dont les ex-présidents sont membres de droit.
– Rue89 : Retraite des sénateurs : des privilèges très confidentiels
– L’Express : La vérité sur les retraites des hommes politiques