Belgique : la coalition étudie un compromis pour sortir du nucléaire
Le Monde.fr | 04.07.2012 à 17h23 • Mis à jour le 04.07.2012 à 17h32
Après avoir décidé, dès 2003, qu’elle sortirait du nucléaire en 2015, la Belgique a beaucoup tergiversé. Mercredi 4 juillet, les principaux ministres de la coalition dirigée par Elio Di Rupo ont examiné un nouveau plan censé ménager les diverses sensibilités politiques et régionales et confirmant le principe de l’abandon, à terme, de l’énergie nucléaire. Le projet, savant compromis, a été élaboré par Melchior Wathelet, secrétaire d’Etat à l’énergie et centriste francophone.
M. Wathelet envisage la fermeture de deux de sept réacteurs du pays (Doel 1 et 2) en 2016, six mois plus tard que prévu initialement. Tihange 1, en revanche, verrait sa durée de vie prolongée de dix ans. Une décision qui fait hurler le parti Ecolo, associé au pouvoir régional à Bruxelles et en Wallonie et promoteur de la loi de 2003.
Pour les quatre autres réacteurs, le secrétaire d’Etat suggère un nouveau calendrier : Doel 3 serait éteint en 2022, Tihange 2 en 2023, Doel 4 et Tihange 3 en 2025. M. Wathelet tente d’apaiser les écologistes en spécifiant que ces dates ne pourront plus être corrigées, ce qui confirmerait, cette fois, une volonté politique ferme.
EMBÛCHES
Après le premier tour de table de jeudi, il se confirme toutefois que M. Wathelet n’est pas au bout de ses peines et devra affronter plusieurs embûches. La première est… communautaire : l’Alliance néo-flamande (NVA), le parti séparatiste qui domine la scène politique en Flandre, s’étonne qu’on envisage de fermer en 2016 deux réacteurs du nord du pays et un seul en Wallonie. Le parti chrétien démocrate CD&V, associé à M. Di Rupo, partage ce point de vue, même si des raisons de sûreté semblent avoir essentiellement guidé le choix de Tihange 1.
Les obstacles seront aussi politiques : les partis libéraux manifestent un évident manque d’enthousiasme, le Parti socialiste francophone insiste sur la nécessaire sécurité d’approvisionnement et refuse toute hausse des prix pour le consommateur. Il y a quelques semaines, l’administration fédérale de l’énergie avait évoqué le risque d’un manque de 2000 mégawatts en 2017, compte tenu du retard accumulé dans le domaine des énergies alternatives et du refus des producteurs de construire de nouvelles unités thermiques, qu’ils jugent trop peu rentables. Le secrétaire d’Etat a, dès lors, assorti son plan d’un chapitre visant à favoriser les investissements dans le gaz et à garantir la rentabilité des nouvelles unités.
CONVAINCRE LES ACTEURS DU SECTEUR
Enfin, M. Wathelet aura à convaincre les acteurs du secteur et surtout Electrabel, filiale de GDF Suez, le principal acteur du nucléaire en Belgique. La production de Tihange 1, l’unité prolongée jusqu’en 2025, co-propriété de GDF Suez et EDF, sera » mise à disposition du marché à partir de 2015 « prévoit le secrétaire d’Etat. Les opérateurs seraient rémunérés à un prix couvrant leur coût, avec une marge de profit. En échange, ils paieraient moins de taxes.
GDF Suez n’a pas réagi officiellement mais avait formulé antérieurement des mises en garde implicites : pas question de continuer à investir dans le secteur s’il s’avère qu’il n’est plus suffisamment rentable. Olivier Deleuze, leader du parti Ecolo et auteur du projet de sortie de 2003, dénonce dès lors » le chantage d’Electrabel « , qui a, dit-il au journal Le Soir, fermé des centrales classiques » pour organiser la pénurie « . M. Deleuze ne croit pas, explique-t-il, à une sortie du nucléaire dans dix ans, quelles que soient les promesses de M. Di Rupo, qui a besoin des voix écologistes pour faire adopter ses projets de réforme institutionnelle.