Comment les députés gèrent leurs frais de représentation

Englué dans un scandale de notes de frais, le speaker britannique a démissionné. Cela peut-il arriver en France ?

Après deux semaines d’intenses polémiques outre-Manche, le travailliste Michael Martin a fini par annoncer mardi qu’il démissionnerait le 21 juin. La faute à un scandale de notes de frais auquel le speaker de la Chambre des communes en Grande-Bretagne -l’équivalent du président de l’Assemblée nationale en France- est accusé d’avoir rechigné à mettre un terme, en plus d’y avoir contribué en personne.

Nombre de dépenses personnelles de membres de la Chambres des communes étaient remboursées en notes de frais payées par les contribuables britanniques. A titre d’illustration, le speaker faisait ainsi rembourser les courses de taxi de son épouse.

Pareil scandale et pareille démission peuvent-ils survenir en France ? Richard Mallié, député UMP des Bouches-du-Rhône et premier questeur de l’Assemblée nationale (c’est lui qui est en charge des finances), répond par la négative à Rue89 :

« Ça ne peut pas arriver ici. Premièrement parce que le président de l’Assemblée nationale ne s’occupe pas de ces questions. Deuxièmement parce qu’on n’utilise pas le système de notes de frais, mais on distribue des indemnités représentatives de frais de mandat. »

 

6300 euros pour les frais de mandat

Tout n’est cependant pas si simple. Pour y voir plus clair, Rue89 a retracé les recettes et les dépenses des députés. Trois versements sont effectués chaque mois par l’Assemblée nationale en direction des députés et de leurs collaborateurs :

  • L’indemnité parlementaire, qui correspond au salaire des députés. Elle est de 5800 ou de 5200 euros net, suivant que les députés cotisent simple ou double, c’est-à-dire qu’une année travaillée représente une année de cotisations retraite ou deux années de cotisations retraite.


  • L’indemnité représentative de frais de mandat, qui correspond aux frais de fonctionnement des députés. Elle est de 6300 euros brut par mois.


  • Le crédit collaborateur, qui correspond au salaire des collaborateur des députés. Il est de 9000 euros brut par mois. Les députés ne la touche pas directement, mais bénéficient dessus d’un droit de tirage pour rémunérer leurs assistants parlementaires et leurs secrétaires. Théoriquement, il ne peuvent en bénéficier, mais une partie est détournée en pratique chaque fin d’année à leur profit, comme l’avait déjà révélé Rue89.

 

 

Une kyrielle d’avantages en nature

C’est donc cette Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) qui remplace en France le système britannique des notes de frais. Voici les dépenses qu’elle permet précisément de couvrir :

  • les frais de permanence en circonscription (loyer, meubles, matériel, électricité, eau, abonnements téléphone et Internet…) ;
  • les frais d’essence ;
  • les frais de restauration ;
  • les frais d’habillement…

Pour autant, dans le cadre de leurs fonctions, les députés bénéficient également davantage en nature, en plus de prix attractifs chez le coiffeur ou à la buvette de l’Assemblée nationale. Pour leurs déplacements d’abord : quarante allers-retours aériens par an entre leur circonscription et Paris, ainsi que la gratuité pour le train en première classe. Pour leurs communications téléphoniques ensuite : 4700 euros (pour les députés parisiens), 6600 euros (pour les députés de province) ou 10 000 euros (pour les députés d’Outre-mer) par an.

Ils pouvaient aussi se voir octroyés deux sortes de prêts à taux préférentiels, de trésorerie dans la limite de 18 000 euros et pour un logement, mais le système sera aboli à la fin de cette année.

Une vingtaine de députés (le président de l’Assemblée nationale, les trois questeurs, les présidents de groupe et ceux de commission) ont droit enfin à une voiture avec chauffeur, et quatre d’entre eux (le président de l’Assemblée nationale et les trois questeurs) à un logement de fonction.

 

Ni contrôle ni sanction

Une kyrielle d’avantages qui n’empêche pas les abus. Particulièrement en cas de cumul des mandats. Par exemple, il n’est pas rare de voir un président de conseil général utiliser sa voiture de fonction avec chauffeur pour effectuer ses déplacements de député.

Mais sur ces pratiques, aucune vérification. Les députés n’ont pas à justifier l’utilisation de leur IRFM et aucune procédure ou sanction n’est prévue en cas d’abus allégué. Comme en Grande-Bretagne, des fraudes peuvent donc survenir, mais il n’existe aucun moyen de les connaître en France. Commentaire du premier questeur Richard Mallié :

« Ce serait extrêmement difficile de procéder à ces contrôles. Vous imaginez, on gère 577 députés ! »


Remonter