Crise : l’appel pour un New Deal à la française

Fatalité ou opportunité ? La gauche gagne les pleins pouvoirs alors que notre pays replonge dans la crise et que l’Unedic annonce que « le nombre de chômeurs va augmenter de 400.000 d’ici la fin 2013 » si la croissance tient bon… Or le plus probable est que la croissance ne tiendra pas : aux Etats-Unis, la dette totale dépasse 360% du PIB et, en Chine, la bulle immobilière explose : les ventes de logement ont baissé de 25% au premier trimestre. « La prochaine crise risque d’être plus grave que celle de 1930 », affirme le gouverneur de la Banque d’Angleterre.

Sans un changement radical de nos politiques, le chômage et la précarité vont exploser. En 2014, une droite dure gagnera les municipales et prétendra incarner l’alternative. Comment éviter ce sinistre scénario ? Comment vaincre la crise ? En s’inspirant de ce qu’a fait Franklin Roosevelt en 1933.

Quand Roosevelt est élu, les Etats-Unis sont sinistrés mais il change la donne avec une rapidité étonnante. L’activité législative est prodigieuse : en trois mois, Roosevelt fait adopter plus de réformes que Herbert Hoover en quatre ans. Son objectif n’est absolument pas de « rassurer les marchés financiers » mais de les dompter. Et il y parvient !

 

Des décennies de prospérité sans dette

Certes, tout n’a pas réussi mais il rend confiance à son peuple et les règles sociales et fiscales instaurées en 1933, puis en 1944 (en tenant compte des erreurs de 1933) ont permis des décennies de prospérité sans dette : jusqu’à l’arrivée de Ronald Reagan en 1981, l’économie américaine a fonctionné sans avoir besoin ni de dette privée ni de dette publique.

C’est depuis l’arrivée des néolibéraux que nos économies ont besoin de toujours plus de dette : en trente ans, ce qui va aux salaires est passé de 67% du PIB à 57% pour l’ensemble des pays de l’OCDE, ce qui amène à augmenter tant la dette publique (car les impôts sur les salaires et sur la consommation sont la première ressource des Etats) que la dette privée car des millions de salariés s’endettent pour maintenir leur niveau de vie. Depuis 2007, plutôt que de s’attaquer aux racines de la crise (le chômage de masse qui déstabilise le salariat), nos dirigeants ont continué la fuite en avant. La crise financière n’en finit pas de rebondir et Paul Krugman montre comment l’austérité risque de plonger l’Europe dans « une spirale de la mort ».

 

Un nouveau Bretton Woods

Dans un tel contexte, la gauche doit absolument rompre avec la méthode Coué (« la croissance va bientôt revenir ») et agir avec force pour remettre d’aplomb tout ce que trente ans de néolibéralisme ont mis à l’envers. Nous sommes dans une situation comparable à celle des Etats-Unis en 1933 : seule une action très déterminée, un nouveau New Deal, peut redresser la France et l’Europe. Deux stratégies sont possibles pour le président de la République : soit il pense que la croissance reviendra en 2013, comme l’affirmait le projet du PS, et qu’il suffit d’une bonne gestion en attendant l’embellie.

Soit il estime au contraire qu’il ne reste qu’un temps limité avant un possible effondrement et il doit « faire du Roosevelt » : organiser un nouveau Bretton Woods dès la fin de 2012 (juste après l’élection américaine), mettre fin aux privilèges incroyables des banques privées dans le financement de la dette publique, créer un impôt européen sur les dividendes, lutter frontalement contre les paradis fiscaux et agir avec force contre le chômage et la précarité en négociant en particulier un nouveau partage des gains de productivité colossaux réalisés depuis trente ans. Quel est le rôle historique de la gauche européenne ? Gérer l’effondrement du modèle néolibéral, quitte à mourir dans les décombres, ou accoucher d’une nouvelle société avant que la crise, comme dans les années 1930, ne débouche sur la barbarie ?

Pour pousser nos dirigeants à l’audace, nous avons créé le collectif Roosevelt 2012 : avec Stéphane Hessel, Edgar Morin, Susan George, Michel Rocard, Dominique Méda, Lilian Thuram, Bruno Gaccio, Roland Gori, la Fondation Abbé Pierre, Gaël Giraud, la Fondation Danielle Mitterrand, Génération précaire et bien d’autres. Notre objectif est simple : dire la gravité de la crise et avancer 15 solutions que le nouveau président doit mettre en œuvre sans tarder comme Roosevelt en 1933. Plus de 65.000 citoyens ont déjà rejoint notre collectif. Des groupes Roosevelt 2012 se créent à Bruxelles, en Italie et en Espagne.

Si vous partagez notre envie de provoquer un sursaut, rejoignez-nous vous aussi en signant les 15 propositions de réformes sur roosevelt2012.fr.

Pierre Larrouturou 

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