De nombreux traités pour sauver la planète, mais où est la volonté de les mettre en application ?
De nombreux traités pour sauver la planète, mais où est la volonté de les mettre en application?
Article de John Vidal paru le 7 Juin dans le Guardian (GB) traduit de l’anglais par J-L Herman
Les gouvernements négocient des accords environnementaux pendant des années, puis les ignorent délibérément, pour obtenir des résultats insignifiants.
Au cours des cinquante dernières années, 500 accords relatifs à l’environnement et au climat ont été signés par les Chefs d’État du monde, la plupart sont restés à l’état de promesses vides.
L’heure des accords mondiaux a encore sonné. Dans deux semaines, 120 leaders mondiaux et environ 190 pays assisteront au sommet mondial de Rio+20 et, à moins d’un échec des négociations, s’engageront dans de nouveaux objectifs, promesses, buts, protocoles et traités internationaux, voués au développement durable, à la protection de la planète et à faire meilleur usage de leurs ressources. A quoi bon faire de telles promesses?
Un nouveau rapport de l’ONU cette semaine semble indiquer que nous n’avons jamais eu autant d’objectifs ni de buts environnementaux. Cependant le déclin de l’écosystème s’amplifie, le changement climatique s’accélère, la dégradation du sol et de l’océan continue, la pollution de l’air et de l’eau augmente, les déchets et ordures s’accroissent, et nous continuons à être incapables de mettre en œuvre un développement durable.
D’après le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), nous devons faire face à un véritable« engorgement de traités ». Lors des 50 dernières années, les leaders mondiaux ont signé jusqu’à 500 accords mondialement reconnus, dont 61 liés à l’atmosphère, 155 à la diversité biologique, 179 aux produits chimiques, substances hasardeuses et déchets, 46 conventions relatives à la terre et 196 conventions liées aux problèmes concernant l’eau. Après le commerce, le secteur où l’établissement de règles est le plus fréquent est celui de l’environnement.
Les accords varient de la suppression de substances dans l’air afin de protéger la couche d’ozone à l’élimination de plomb dans l’essence, au partage des ressources génétiques, à la protection des glaciers en Antarctique, à la réduction de la surpêche, à la restriction de la pollution de l’eau et à la facilitation de l’accès a la nourriture. Parmi ceux-ci, le PNUE à étudié les 90 objectifs les plus importants dans son 5ème rapport sur l’Avenir de l’Environnement Mondial (GEO) et en a tiré des conclusions surprenantes:
- Un progrès médiocre apparaît dans 40 objectifs, dont l’expansion de régions protégées tels les parcs nationaux et les efforts de réduction de la déforestation ;
- Un progrès nul ou insignifiant à été constaté dans 24 d’entre eux, dont le changement climatique, la gestion des stocks de poissons, la désertification et la sècheresse ;
- Une dégradation plus accentuée a été notée pour huit objectifs, dont l’état des récifs coralliens mondiaux ;
- Aucune donnée n’était disponible pour les 14 objectifs restants.
En outre, les gouvernements négocient des accord environnementaux pendant des années puis les ignorent délibérément pour un résultat lamentable. A quoi bon?
La question est de savoir si ces accords sont simplement des promesses futiles faites par des gouvernements cyniques, ayant pour seul but de brandir un bout de papier devant un électorat crédule? Ou s’il est possible de remédier aux disfonctionnements de la gouvernance environnementale? Il y a plusieurs réponses possibles :
- De nombreux accords sur l’environnement échouent car les gouvernements s’engagent dans d’autres accords commerciaux ou économiques qui prennent systématiquement le dessus sur les accords relatifs à l’environnement. Ainsi, par exemple, lors du déroulement du Sommet de la Terre de Rio en 1992, où pas moins de quatre accords importants furent signés, les négociations sur l’« Uruguay Round » dans le cadre de l’Accord Général sur les Tarifs douaniers et le Commerce (GATT) se développaient, donnant lieu à la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), qui a rendu plus difficile la réforme environnementale dans chaque pays.
- Les pays riches favorisent systématiquement un agenda économique global, visant à ouvrir l’accès aux pays pauvres à leurs puissantes sociétés transnationales, qui ont la capacité de faire du lobbying, de les intimider, de les cajoler, ou tout simplement d’ignorer les règles et accord environnementaux, tant nationaux qu’internationaux. Parmi les exemples, nous retrouvons le cas des compagnies pétrolières au Niger qui polluent en toute impunité, les entreprises semencières productrices d’OGM, qui ont pu forcer la main des pays en voie de développement, les compagnies de biocarburant, qui rasent des forêts pour y planter ce qu’elles désirent.
- De nombreux pays signent des accords aux conférences internationales comme celle de Rio avec tambours et trompettes, puis évitent discrètement leur ratification ou leur inclusion dans leur politique intérieure. John Knox, un professeur de droit à l’Université de Wake Forest, démontra, à travers un exposé récent pour le centre américain de réforme progressive, que les Etats-Unis manquèrent de ratifier 10 accords internationaux importants sur l’environnement, dont la convention de Bâle sur les déchets, le traité concernant les ressources génétiques, l’annexe sur la responsabilité en Antarctique (Antarctique Liability Annex), la convention sur les biocarburants, la convention de l’ONU sur le droit de la mer, et bien d’autres.
- Certains pays reviennent impunément sur leurs engagements. En ce qui concerne le changement climatique, par exemple, le Canada ratifia Kyoto puis ne tint pas ses promesses de réduction de ses émissions en invoquant « l’intérêt national ». Lorsque les pays développés ne s’engagent pas dans les traités ou les ignorent complètement, ils ébranlent la protection environnementale globale.
- Certains analystes soutiennent aussi qu’il y a tout simplement trop d’organismes rédigeant trop d’accords, et que la méthode de l’ONU a un besoin urgent d’une réforme.
D’après l’Institut International du Développement Durable (IISD), au moins 35 organisations de l’ONU sont impliquées dans la gouvernance environnementale globale. Celles-ci se trouvent dans divers endroits, leurs autorités se chevauchent ou se dupliquent souvent, ont des niveaux d’autonomie variés, et ont toutes pour objectif des problèmes environnementaux distincts bien qu’interdépendants. Comme le note l’IISD, c’est le secrétariat de l’ONU qui gouverne celui du climat, alors que ceux de l’ozone et la biodiversité font leurs rapports au PNUE. La Convention sur la Biodiversité se trouve à Montréal; la Désertification et la CCNUCC à Bonn; la CITES et la Convention de Bâle à Genève. Ce fractionnement peut donner lieu à des programmes en discordance, une dispersion géographique et une divergence de règles et normes.
Faut-il donc plus de règles pour forcer les pays à s’exécuter ou en faut-il moins? En ce moment, le système est en pleine confusion. La négociation de nouveaux accords est devenue une industrie en soi et le chaos y règne. Le problème est le suivant: ce n’est pas dans l’intérêt de la majorité des gouvernements de changer le statu quo.