Des dirigeants d’entreprises aux salaires mirobolants, mais finalement inefficaces…

PSA a commis l’erreur de négliger l’identité du produit

Parmi les analyses du séisme que représente le projet de fermeture par PSA du site d’Aulnay, une part est faite aux critiques des choix industriels et commerciaux qui concernent l’exportation, le marché chinois, etc. Mais rien n’évoque les choix fondamentaux de toute une génération de dirigeants à l’égard de l’identité des produits, comme si c’était une dimension négligeable. Il semble peu contestable que PSA a, de longue date, pris ses distances avec une donnée essentielle de l’histoire industrielle de Citroën, l’identité technique et stylistique des produits.

Des années 1930 aux années 1970, c’est-à-dire pendant près d’un demi siècle, les établissements Citroën se sont imposés avec des véhicules dont le contenu technique et le traitement formel étaient clairement identifiés : de la « traction » à la DS 19 et à la CX, de la 2 cv à la Dyane, à l’Ami 6, et au « tube ». Cette identité affirmée et maintenue dans une gamme étendue de produits mériterait une étude d’histoire industrielle, dans le but d’établir les sources et les moyens de cette démarche cohérente, malgré les aléas de la production dans une période compliquée ; comment s’était construit le consensus des ingénieurs et des dirigeants ? Quels sont les appuis dont bénéficiait le talentueux Flaminio Bertoni (1903-1964), collaborateur de l’entreprise de 1934 à 1964 ?

Depuis l’absorption de Citroën SA par Peugeot SA, en avril 1976, et les vicissitudes du rachat en 1978 de Chrysler Europe (marque Talbot), la politique des marques et des modèles, sous la présidence de Jacques Calvet, de 1984 à 1997, et le développement d’une banque d’organes commune, créent des conditions qui interdisent de mettre un accent fort sur l’identité des produits. Le dessinateur de la Dyane, de la SM, de la CX (née en 1974 à Aulnay-sous-bois), Robert Opron (né en 1932), quitte Citroën pour Renault.

Le mot d’ordre est la synergie entre les marques Citroën et Peugeot, pour abaisser le coût des études et de la production. Après le succès commercial de la BX et de la 205, la phase suivante voit à la fois la confusion des marques – la C1 Citroën ne se distingue pas de la 101 Peugeot – et les expédients pour distinguer les modèles dans la gamme Citroën. La griffe « Picasso », pour les C3 et C4, est un gadget ; pour les DS 3 , DS 4 et DS 5, on adopte un traitement stylistique fait d’accidents et d’accumulations de détails souvent incongrus. Suprême désinvolture, l’emprunt de la racine DS, dans une nomenclature paradoxale, dictée sans doute par des spécialistes de la communication.

Pour Citroën, à la hauteur de vues de la période précédente, succèdent la légèreté et l’abandon. Point de vue d’historien, dira-t-on, mais peut-on ignorer les sommets qu’atteignent dans la culture populaire les manifestations positives de reconnaissance ? Peut-on négliger le nombre des collectionneurs de « voitures anciennes », d’associations de propriétaires de 2 cv ou de DS, de bourses d’échanges, de rassemblements nationaux ou internationaux ? Si l’identité est une dimension significative pour la mémoire de produits industriels qui ont marqué leur temps, la question de la forte identité des produits peut-elle être absente de l’horizon d’attente d’une stratégie industrielle digne de ce nom ?

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