L’électricité nucléaire : plus chère qu’on veut nous le laisser croire…
La facture d’électricité des Français augmenterait de 50% d’ici à 2020
Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 19.07.2012 à 07h10 • Mis à jour le 19.07.2012 à 09h40
La facture moyenne d’électricité d’un ménage français va s’alourdir de 50 % d’ici à 2020 à cause des investissements élevés du renouvelable et ceux croissants du nucléaire, selon un rapport de sénateurs présenté mercredi 18 juillet. Sous réserve, souligne le texte, d’une législation et de comportements de consommation inchangés.
Citant des projections de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), ce rapport estime que la facture annuelle d’un ménage type ayant souscrit l’option heures pleines-heures creuses – et a priori équipé d’un chauffage électrique – atteindrait 1 307 euros en 2020 contre 874,5 euros en 2011.
« Se pose aujourd’hui la question d’énormes investissements, on peut parler de 400 milliards d’euros à horizon de vingt ans », a souligné le rapporteur écologiste de cette commission, Jean Dessessard. Sur l’augmentation de 433 euros attendue sur la facture (qui est hors TVA), 28 % viendront de la taxe dite CSPE (contribution au services public de l’électricité, qui inclut notamment les tarifs d’achats subventionnés des énergies renouvelables), 37 % des réseaux électriques et 35 % de la production d’électricité elle-même.
Il ressort des évaluations des sénateurs que les coûts de l’électricité nucléaire française sont encore sous-évalués : en incluant les travaux de maintenance post-Fukushima, la commission les évalue à 54,2 euros par mégawattheure. C’est plus que l’évalution du rapport de référence publié par la Cour des comptes au début de l’année (49,5 euros) et plus que le prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), c’est-à-dire le prix officiel du courant nucléaire, qui est de 42 euros depuis le 1er janvier.
Le rapport, comme celui de la Cour des comptes publié au printemps, relève aussi des « incertitudes » supplémentaires notamment sur le démantèlement, plus les coûts d’assurances pour un accident ou des frais de recherche. Des coûts qui porteraient le total à 75 euros le mégawattheure, même si la Commission s’est refusée à effectuer officiellement cette addition « parce qu’on n’a pas voulu rajouter des incertitudes aux incertitudes », selon M. Dessessard.
L’ÉOLIEN TERRESTRE, « UNE FILIÈRE COMPÉTITIVE »
Les travaux de la commission, présidée par le sénateur UMP Ladislas Poniatowski, ont été adoptés par tous les membres à l’exception des communistes qui ont voté contre, dénonçant une logique de « justification de l’augmentation du coût de l’électricité ». Des sujets sensibles comme l’avenir du nucléaire ont aussi été évacués en annexes, et n’ont pas fait l’objet d’un vote, ont précisé les membres de la Commission.
Côté renouvelables, les sénateurs relèvent que l’éolien terrestre est « d’ores et déjà une filière mature et compétitive », avec un prix de 82 euros du mégawattheure. L’éolien en mer reste encore beaucoup plus cher – plus de 220 euros – tandis que le photovoltaïque culmine toujours entre 229 à 371 euros, même si on est redescendu de sommets de 580 euros du fait du tour de vis sur les tarifs d’achat.
La France, qui s’est engagée à atteindre 23 % d’électricité renouvelable en 2020 (contre 13 % l’an passé), reste l’un des pays les moins chers d’Europe pour l’électricité. Mais les sénateurs soulignent que la consommation étant plus élevée, la facture totale se retrouve gonflée par rapport à nos voisins. Les économies d’énergie, le stockage d’électricité et les réseaux intelligents sont considérés comme les pistes pour alléger les factures.
NÉCESSAIRE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Evoquant « le prix à payer pour amorcer la transition énergétique », la commission estime que « l’augmentation provisoire du prix de l’électricité due aux renouvelables, incontestable, doit donc être prise pour ce qu’elle est : un investissement nécessaire pour l’avenir ».
La publication de ce rapport est censée permettre d’éclairer le débat sur la transition énergétique prévu à l’automne par le nouveau gouvernement. Ce débat est une promesse électorale du président de la République, François Hollande, qui s’est engagé à développer les énergies renouvelables de façon à réduire de 75 % à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique d’ici à 2025 et à fermer d’ici à 2017 la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). Le gouvernement a par ailleurs décidé de limiter la hausse de l’électricité à 2 % au 1er août et réfléchit à un « réforme structurelle » des tarifs de l’énergie qui passerait par des prix progressifs distinguant les consommations essentielles et celles de confort.