Une lettre adressée au Président de la République, par des élus de Loire Atlantique

Voici le courrier que des élus du 44, Pierre Gressant et Mahel Coppey, ont adressé à François Hollande pour lui faire part de leurs inquiétudes liées à la fermeture de l’aéroport de Nantes Atlantique et l’alerter sur les efforts nécessaire à mener pour recréer les conditions du dialogue à Notre Dame des Landes :

Par cette lettre, nous sollicitons votre attention sur le projet d’aéroport à Notre- Dame-des-Landes (44). Nous sommes élus dans l’agglomération nantaise, adjointe au Maire à la mairie du Pellerin (44) et conseiller municipal à St Jean de Boiseau (44). Nous sommes membres du Collectif des élus qui doutent de ce projet d’aéroport (CeDpa).

Nous avons à Nantes un aéroport international reconnu comme l’un des meilleurs et primé pour ses qualités par les compagnies aériennes européennes (en 2011, Nantes- Atlantique a reçu le trophée ERA Award 2011-2012 du meilleur aéroport européen). Vivant à proximité, nous témoignons de la dynamique que créée cet équipement sur notre territoire. Nous avons vu l’aéroport « prendre du gallon » pour passer de l’aéroport de Château Bougon et devenir l’aéroport international Nantes-Atlantique en 1988. C’est une infrastructure indispensable au Sud Loire de l’agglomération nantaise car il y fixe des emplois, des services, et des revenus et ainsi participe de l’équilibre sur notre territoire.

Le transfert de notre aéroport induit inévitablement un transfert des emplois du sud Loire vers le nord Loire. Ce sont plus de 2 000 emplois associés à l’aéroport qui devront transiter par le pont de Cheviré (déjà largement saturé) pour rejoindre Notre-Dame-des- Landes. Les délocalisations d’entreprises qui créeraient des emplois, ça n’existe pas. Dans le contexte actuel, nous souhaitons davantage travailler pour assurer la pérennité des emplois et attirer de nouveaux industriels au Sud de l’agglomération nantaise. A ce titre, l’IRT Jules Verne est « un bon voisin » pour Nantes-Atlantique. Inauguré en octobre dernier par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et trois ministres de son gouvernement, l’IRT Jules Verne est un institut de recherche technologique spécialisé dans les matériaux de demain qui serviront à réaliser les avions, les bateaux et les voitures du futur. Des domaines d’activités tels que l’aéronautique, la construction navale, l’énergie, les transports terrestres déjà implantés sur notre territoire qui accueille la plus grande éolienne off-shore au monde à Frossay, l’arsenal de la DCNS à Indret et Airbus, soit la plus grande entreprise européenne d’aéronautique, à Bouguenais.

Concernant Airbus, nous sommes inquiets des impacts du transfert de Nantes- Atlantique à Notre-Dame-des-Landes. Près de 400 caissons centraux de voilure (des éléments d’avions), fabriqués à l’usine Airbus de Bouguenais, ont été transportés par le gros- porteur Beluga vers une autre unité de l’avionneur à Hambourg, l’an dernier. Ce qui représente une soixantaine de rotations par an, à Nantes-Atlantique: soit un vol ou deux par semaine. Airbus a besoin de Nantes-Atlantique. Les solutions alternatives étudiées ne sont pas satisfaisantes pour l’industriel, notamment l’acheminement de tronçons par barge sur la Loire, vers la piste de Saint-Nazaire, d’où ils décolleraient pour Hambourg (à condition toutefois de revoir la voirie entre l’usine de Bouguenais et le quai de Loire). Cette solution entraîne une perte de temps et donc de performance inacceptable pour l’industriel. Tous les

Monsieur François Hollande Président de la République Palais de l’Elysée 58 rue Faubourg Saint Honoré 75 008 PARISsites Airbus en Europe disposent d’une piste. S’en priver, c’est risquer à terme que, lors des choix sur les nouveaux programmes, les charges de travail « s’envolent » vers d’autres usines du groupe. Face aux délocalisations, il faut donner au site de Nantes le maximum d’atouts. Nous sommes donc unanimes pour demander le maintien de la piste pour Airbus. Mais ce maintien entraine deux grandes questions : le coût réel du maintien et qui paye quoi ? Airbus n’a pas vocation à gérer une plateforme aéroportuaire. À ce jour, le fret se limite essentiellement à Airbus et au vol du Béluga. Le reste de l’activité est anecdotique. Pourtant il s’agit de garantir le bon fonctionnement de cette piste par des services des contrôleurs aériens, des services de sécurité liée à la piste et des équipements à maintenir en état de service. La presse spécialisée se fait l’écho d’une aide importante versée par les collectivités locales. Si le montant n’est pas encore définitivement déterminé, il viendra néanmoins gonfler fortement alors le coût global du transfert de l’aéroport.

Autre réalité du transfert de l’aéroport; le nouveau franchissement de Loire et ses éternelles questions « Où ? Quand ? Comment ?… Et combien ? ». L’aéroport de Notre- Dame-des-Landes sans un nouveau franchissement de Loire est une vue de l’esprit. En septembre dernier, la ministre de l’écologie a annoncé le soutien du gouvernement dans le projet de réserve naturelle nationale sur l’Estuaire de la Loire. L’absurdité saute aux yeux : le transfert nécessitera un franchissement de Loire que la Réserve – que nous appelons de nos vœux – interdira. Et au-delà, personne à ce jour n’est à même d’évaluer les impacts environnementaux d’un tel franchissement et encore moins son coût qui, lui aussi, viendra gonfler sévèrement le coût global du transfert d’aéroport pour la collectivité.

Pour le sud Loire, le projet de Notre-Dame-des-landes est synonyme d’impasse et vient nous interroger sur le sens que nous souhaitons donner à notre projet au cœur des territoires : doit-on faire de l’aire nantaise une petite Italie : les riches au nord et les pauvres au sud ?

Nous contestons la construction d’un nouvel aéroport alors que la structure existante fonctionne parfaitement. Le projet de transfert de Nantes-Atlantique vers Notre-Dame-des- Landes est archaïque car il arrive à un moment où, contraints par la dette publique, la raréfaction des ressources et l’envolée de leur prix, les Etats européens renoncent à certaines dépenses, notamment relatives aux grandes infrastructures de transport. Au-delà du classique débat sur l’implantation de ces grands travaux – qui provoque nécessairement des nuisances pour les habitants – une question émerge : quels moyens de transports faut-il désormais privilégier? Les autoroutes et les aéroports, principalement utilisés par les catégories aisées et disposant déjà de nombreux moyens de transport, ou les transports de proximité ? Si nous avions été élus dans les années 90, on vous dirait « les deux ! », sauf qu’aujourd’hui le budget ne le permet plus. Nous rappelons à ce propos que votre ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, s’est exprimé contre les partenariats public – privé qui coûtent, selon lui, « trop cher sur le long terme » et que le rapport Gallois vient d’émettre des préconisations drastiques en matière d’économie budgétaire.

Alors, au nom du développement économique équilibré de notre territoire, de la sobriété des dépenses publiques, du maintien de l’activité paysanne et du ralentissement de l’artificialisation des terres et cela va de soi de la préservation de la biodiversité; il est temps de réfléchir à une nouvelle option. Cette option doit garantir le maintien de Nantes- Atlantique et mieux encore proposer une optimisation et un renforcement de ses activités.

Par ce courrier, nous nous permettons de vous rappeler que notre collectif d’élus a engagé plusieurs recours : Notre collectif propose que le projet de Notre-Dames-des-Landes fasse partie de la révision à venir des grands projets dans le cadre de la commission mise en place pour revoir le Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT). Nous souhaitons également vous faire part de notre inquiétude sur la destruction à venir d’une vaste zone humide. Un recours sera également déposé sur le respect de la loi sur l’eau si le Préfet prend un arrêté autorisant les travaux et la destruction des zones humides.

Nous ne pouvons pas conclure cette lettre sans vous faire part de notre vive inquiétude face aux récentes opérations policières menées sur le terrain. Ces opérations nous éloignent du dialogue que notre collectif d’élus a toujours souhaité porter aux seins des différentes institutions locales, régionales et nationales.

Nous sollicitons auprès de vous les efforts nécessaires pour recréer les conditions du dialogue par la nomination d’un médiateur.

Nous restons en conséquence, attentifs à la réponse que vous voudrez bien accorder à la présente.

Persuadés que vous saurez entendre nos vives préoccupations, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Mahel Coppey 06 63 07 49 38 mahel.coppey@gmail.com

Pierre Gressant 06 70 31 37 72 Pierre.gressant@orange.fr

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