Les fonds monétaires américains : l’oligarchie politico-financière a encore frappé…

Fonds monétaires américains : la victoire d’un lobbying puissant contre la SEC 

La présidente de la Securities and Exchange Commission, Mary L. Schapiro, a du renoncer à porter la question de la régulation des fonds monétaires, qui ont joué un rôle majeur dans la crise financière de 2008, à un vote le 29 août.

L’industrie des fonds monétaire représente  aujourd’hui aux Etats-Unis environ 2 600 milliards de dollars, après avoir atteint un pic de 3800 milliards de dollars. 

Ces fonds monétaires qui agissent comme des banques en prenant de l’argent et en promettant un rendement sur chaque dollar mis par l’investisseur ont fortement prospéré ces 30 dernières années. Contrairement aux banques, cependant, ils ne doivent pas payer une assurance dépôt ou garder du capital de coté pour se protéger contre des défauts éventuels. 

En 2008, la vulnérabilité de ces fonds s’est faite grandement ressentir. En septembre 2008, le «Reserve Primary Fund », le plus vieux fonds monétaire du pays, avait dû essuyer des pertes de 785 millions de dollars vis-à-vis de positions détenues sur des titres de dette de Lehman Brothers. 

Pris de panique, les investisseurs, habitués à utiliser ces fonds monétaires comme des comptes courant à faible risque, ont retiré l’équivalent 300 milliards de dollars en l’espace d’une semaine, contribuant ainsi au gel du crédit qui a grippé les marchés financiers du monde entier. 
La Fed et le Trésor ont été contraints de venir en aide aux fonds monétaires en leur apportant des garantis et en leur accordant une facilité de refinancement.

 

Une régulation insuffisante 
En 2010, la Sec a voté pour introduire de nombreuses nouvelles règles destinées à rendre ces fonds monétaires plus sûrs. Le principal changement forçait les gérants à détenir plus d’actifs qu’ils ne pouvaient aisément vendre en cash. 
Pour l’industrie les nouvelles règles introduites en 2010 se sont avérées efficaces. Elles ont permis d’améliorer la sécurité et la solidité de l’industrie. En cela d’autres réformes n’étaient pas nécessaires. 
Cependant dans l’esprit de la Sec, de la Fed et du Trésor, ces règles de 2010 ne constituaient qu’un premier pas. D’autres changements plus significatifs sont nécessaires dans la mesure où les fonds monétaires présentent encore un risque pour le système financier.

Les réformes en question 
En 2001, la responsable de la Sec a présenté deux réformes consistant à imposer aux fonds l’obligation de détenir des réserves de cash, et l’obligation de laisser les prix de leurs parts fluctuer. 

Les fonds monétaires évaluent jusque là leur part à un prix fixe de 1 dollar donnant l’impression à l’investisseur que la valeur de la part du fonds ne varie pas et que son argent est ainsi garanti. Mme Schapiro souhaite que ces fonds utilisent désormais pour estimer le prix de leur part une valeur d’actif flottante.

Mary L. Schapiro aimerait également que les fonds mettent de coté de l’argent pour parer aux difficultés qu’ils pourraient rencontrer. En outre, un plafond dans le montant d’argent pouvant être retiré par les investisseurs pourrait être imposé.

Ces mesures ont été présentées aux quatre autres commissaires de la Sec en juin. Un vote était envisagé le 29 août pour décider si oui ou non ces propositions devaient être soumises à une consultation publique. A la suite de cette consultation, les commissaires auraient procédé à un vote final pour l’adoption de ces règles.

Mme Schapiro a signalé mercredi soir que trois des cinq commissaires de la Sec se sont opposés à son projet. Le vote prévu la semaine prochaine n’aura de ce fait pas lieu. 
«C’est une tragédie que de sérieuses propositions pour consolider une faiblesse majeure dans le système financier et protéger les contribuables américains du besoin potentiel d’aider cette industrie ne puissent pas recevoir des commentaires et un débat publics», a commenté Mme Schapiro.

Parmi les opposants, deux commissaires républicains et un commissaire démocrate, Luis A. Aguilar, qui se trouve être conseiller général pour Invesco, une société de gestion qui détient plusieurs fonds monétaires. Ce dernier a indiqué ne pouvoir se sentir à l’aise avec un vote sur cette question, qu’après qu’une étude plus approfondie ait été réalisée sur l’industrie des fonds monétaires. 
« Il y a beaucoup de choses que l’on sait et que l’on ne sait pas. Il fait sens que nous mettions en lumière ce que l’on ne sait pas avant de faire des propositions de régulation» a déclaré M Aguilar.

Cette décision de rejet du vote du projet de Mme Schapiro le 29 août prochain est une petite victoire pour cette industrie qui a utilisé plusieurs millions de dollars dans le lobbying pour s’opposer à une plus importante régulation. 

La Réserve fédérale américaine et le département du Trésor des Etats-Unis, qui soutenaient le projet de Mme Schapiro, s’étaient préparés à la possibilité que l’industrie finisse par stopper cette volonté de régulation de la SEC.
Aussi, les autorités ont-elles discuté de la possibilité d’utiliser de nouveaux pouvoirs pour mettre la régulation des fonds monétaires sous l’égide de la Fed.

« La problématique est trop importante pour les investisseurs, pour notre économie et pour les contribuables pour mettre notre tête dans le sable et faire comme si de rien n’était » a conclu Mary L. Schapiro . 

Easybourse.com : publié le 24 août 2012 à 12:29

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